Bétharram. Journal 2022

créée le lundi 7 mars 2022, 14 h 24
modifiée le mercredi 25 janvier 2023, 22 h 39
Plieux, lundi 7 mars 2022, onze heures moins le quart, le matin.
Au moment de la première “affaire Camus”, un des plus vifs et des plus récurrents reproches qui m’étaient faits était de “dresser des listes” : ce qu’il était convenu de voir comme un crime épouvantable, selon un principe à mes yeux totalement absurde, car tout dépend évidemment de la nature des listes en question, de ce qu’on a l’intention d’en faire, des raisons qui ont poussé à les établir, et nullement de leur qualité de liste, en soi fort innocente. Gaston Crémieux, dont le harcèlement à mon égard ne se relâche pas, doit être de mon avis sur la parfaite innocence des listes en soi, car il en offre une belle des hommes à moi au sein de l’équipe Zemmour :

« Camus le lui rendra bien [à Zemmour] en soutenant sa candidature lors de son premier passage à Cnews et en y ralliant l’ensemble de son réseau qui occupe aujourd’hui des positions clés dans l’organigramme de Reconquête : 

— Collard: Président d’honneur
    — Bay: Vice-président
    — Le Gallou: membre du comité politique
    — Schleiter : Responsable des investitures pour les législatives
    — Lugan: Conseiller Afrique
    — Rieu: Responsable de la cellule riposte
    — Milliau: Responsable Bretagne »

Collard, je lui ai parlé une fois au téléphone il y a dix ans. Bay, je n’ai jamais eu le moindre contact avec lui. Le Gallou je l’ai rencontré quatre ou cinq fois et j’ai d’amicales relations avec lui (je crois). Schleiter je découvre son nom et son existence. Lugan, je l’ai vu une fois, je l’ai lu et j’aurais tendance à le tenir en haute estime, mais je ne peux pas dire que nous nous connaissions. Rieu, je l’ai rencontré deux fois et nous nous entendons très mal, au point que je l’ai bloqué sur les réseaux sociaux, tant il m’insupporte malgré son talent, avec sa mauvaise humeur perpétuelle (à mon égard, en tout cas). Quant à Milliau je le rencontre quand je vais à TVLibertés, ce qui m’est arrivé deux ou trois fois (et la dernière fois il n’y était pas) : tous seraient stupéfiés, furieux, ou, comme moi, très amusés, d’apprendre qu’ils appartiennent à mon “réseau”. De ce Crémieux on ne voit que la haine, criante, et le désir de nuire, mais il ne serait pas impossible qu’on ne décèle également la folie, ou la paranoïa. En tout cas, non seulement les listes ne lui font pas peur, mais le plus ardent complotisme — pourtant tout aussi mal vu, théoriquement, dans les milieux idéologiques auxquels il appartient — ne l’effraie pas non plus, d’évidence. Mon “réseau” ! Il est beau, “mon réseau” !

Mon actuel pourfendeur le plus actif est surtout un parfait exemple de ce que j’appelle avec Finkielkraut une société “post-littéraire” : c’est-à-dire que la littérature n’informe plus, qui n’a pas la moindre idée de ce qu’elle peut être — ce tremblement du sens, cette non-coïncidence avec lui-même. Ainsi Crémieux paraît ne pas entrevoir un seul instant que le sens n’a pas le même statut dans un essai ou dans un journal, ne pas comprendre, ou ne pas vouloir comprendre, qu’un journal, au moins tel que je le conçois, c’est un pentimento permanent, une correction de correction de correction, à l’infini. Là où se manifeste à mes yeux le comble du scrupule, dans la retouche perpétuelle, il ne voit au contraire que dérobade, lâcheté, fuite sans fin, refus de toute responsabilité. Il me reproche à la fois mon cynisme (je dis les choses clairement) et ma duplicité (je ne cesse de revenir sur ce que j’ai dit pour le corriger et, à ses yeux, pour en embrouiller l’expression). Avec lui et ses pareils, impossible d’émettre un thème avant variations : seul compte le thème. Impossible d’énoncer ou seulement de citer une opinion avant de la mettre en question : seule compte l’opinion énoncée. La notion de genre littéraire lui semble également étrangère. L’autre jour il citait une phrase des Églogues, de Travers II, Été, dont bon nombre ne sont pas de moi (ég-logues, ex-logos, tiré du discours (ambiant)), et dont beaucoup, même, de celles qui sont de moi ne reflètent en rien mon opinion ou mon sentiment, au point que le livre est signé d’autres noms que le mien, et de personnages qui sont eux-mêmes des créations romanesques. Tout cela, pour un Crémieux, n’est que palinodies, ruses, manières de dissimuler traîtreusement sa pensée.

Parmi les souvenirs que fait remonter quotidiennement Facebook, aujourd’hui ce statut déjà ancien, sans doute né en tant que tweet : 

« Le français contemporain se caractérise par le redoublement du sujet (“la France elle”) et par la confusion de l’actif et du passif (“des biens spoliés”), de l’affirmatif et de l’interrogatif (“je demande qu’est-ce que c’est”), du transitif et de l’intransitif (“un site dédié”)».

Comme je continue d’y adhérer pleinement, je le republie, puisqu’il me repasse sous les yeux. S’engage alors la discussion rituelle sur le verbe spolier, où je suis amené à préciser que « Il n’y a pas de biens spoliés à des juifs, c’est du charabia (spolier = dépouiller). Il y a des juifs spoliés de leurs biens. » La méthode Crémieux, appliquée à ce tweet, consisterait à soutenir que « “Il n’y a pas de biens spoliés à des juifs”, Camus l’a écrit en toutes lettres, et je le prouve ! ».

J’observais à l’aube, d’une des fenêtres de la bibliothèque, trois chevreuils dans le parc de la chartreuse, puis du côté de La Garrière. Ces pauvres animaux ont tant eu à souffrir de l’homme et de leurs autres prédateurs qu’ils vivent dans la terreur perpétuelle. Même dans le silence et l’immobilité parfaite du jour à peine levé, pour trois secondes qu’ils consacrent à brouter dans la rosée du matin il y en a vingt qu’ils vouent, avant et après, à s’assurer de tout côté qu’aucun danger ne menace. Ainsi l’écrivain dans les sociétés post-littéraires : il lui faudrait ne jamais poser trois mots, une phrase, ou une moitié de phrase, qui puissent être isolés et utilisés contre lui par les délateurs, rabatteurs et snipers du totalitarisme régnant — en l’occurrence le négationnisme génocidaire macro-remplaciste.

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