NON. Journal 2013

créée le dimanche 21 juillet 2013, 12 h 33
modifiée le lundi 18 novembre 2013, 16 h 52
Dimanche 21 juillet 2013, dix heures vingt, le matin.
« Et maintenant vous ouvrez la porte, vous tournez la page et vous entrez au beau milieu d’une phrase. »

On tourne la page, et :

« Et on voyait déjà sur la blancheur des routes les ombres vigoureuses de l’été.

— Était-ce au Pays d’Allen ?

— Pays d’Allen ? »

Entrouvrir Larbaud m’a fichu un affreux désir du pays d’Allen, de l’été du pays d’Allen, d’une chambre à Bourbon-l’Archambault, du jardin de Valbois, du clocher d’Ygrande, d’un étang au profond de la forêt de Tronçais, de la modeste vue qu’on a sur une cour étroite et sur les arbres de Marcellin Desboutin, à travers la fenêtre de Charles-Louis Philippe, au dos de sa maison de Cérilly (et Giraudoux enfant habitait la maison voisine, est-ce seulement croyable ?).

Enfin… Ça repose un peu de l’épuisant désir de l’Écosse, des Îles d’Été et de l’Assynt Coigach…

*

Farid est parti trop tôt, nous avons vu hier se présenter à notre huis un fort contingent de boy-scouts — de men-scouts, plus exactement, car ils avaient dix-huit ou vingt ans plutôt que quatorze, et parfois de jolies barbes blondes. En fait ils s’étaient trompés d’adresse et cherchaient la chartreuse. Nous les avons vus s’enfoncer sous les frondaisons du parc des voisins, portant haut leurs bannières déployées, où frémissait sous le grand ciel d’été le blason brodé de quelque province. On ne fait pas plus “France bien élevée”. On se serait cru dans un roman de Mme Gabrielle Cluzel.

Ce matin ils chantent en cercle, dans la prairie. D’après ce qui en arrive jusqu’à nos fenêtres, il est question de la Sainte Vierge, et de se revoir demain. On ne saurait trop.

*

À tout journal il faut une voiture-balai, comme au Tour de France ; ou, pour le dire plus élégamment, le genre est nécessairement placé sous l’instance du pentimento, du remords, de la correction, de la rature, du retour sur entrées antérieures. On commence un journal pour corriger quelque chose — la réalité, par exemple, l’histoire, l’actualité, soi-même, son futur, la mort.

Je me souviens qu’il y avait ces jours-ci trois points sur lesquels je devais revenir pour les amender, et moi par la même occasion, mais — ça commence bien — j’ai oublié le premier.

Le deuxième concerne Dominique Noguez. On m’apprend sur le forum de l’In-nocence — qui décidément est une source d’informations extraordinaire dans les domaines les plus divers et inattendus —, que sa sexualité, d’après son propre journal, n’est pas du tout ce que je crois, ni si orthodoxe que j’ai bien voulu l’écrire ; et que, en conséquence, le renchérissement bathmologique merveilleux que je croyais voir en son livre, Une année qui commence bien, n’est pas du tout ce que j’en dis. Ah, bon : bien, bien. Dont acte.

Le troisième est lié à une affaire à la fois compliquée et minuscule, relevant de cette rubrique inépuisable (mais que je n’alimente guère, en général) : les petits plaisirs de la vie littéraire. Un peu en amont dans ce journal j’avais relevé que Marie Gil, auteur d’une biographie de Barthes, m’accusait d’avoir tendu un piège audit Barthes (à propos de la préface de Tricks) ; et disait s’appuyer pour cette accusation sur un passage du livre d’Éric Marty, Roland Barthes, le métier d’écrire. Marty m’avait signalé que son livre ne contenait rien de pareil. Et vendredi il m’écrivait pour me reprocher de n’avoir pas fait état, toujours dans ce journal, donc, dans le dernier volume publié, je suppose, Vue d’œil, du démenti qu’il avait apporté à « l’affabulation de Marie Gil ». J’allais donc le faire (pentimento, toujours) et me préparais d’autre part à répondre à Marty — sans hâte excessive car le temps me manque affreusement et je ne parviens pas à faire face au courrier d’une espèce ou d’une autre. J’ai bien fait de ne pas agir trop vite, de toute façon, parce que hier j’ai reçu du même correspondant ce nouveau message, qui a le mérite de me dispenser d’une réponse (et du moindre commentaire) :

« Je vous ai envoyé hier un mail dans lequel je m’interrogeais sur votre incorrection manifeste à maintenir dans votre Journal publié une information fausse me concernant alors que je l’avais démentie auprès de vous lors de sa mise en ligne. Veuillez ne pas en tenir compte. La lecture de l’intégralité de ce volume donne le spectacle d’une telle médiocrité morale, d’une telle bassesse, d’une telle crapulerie, d’une telle nullité intellectuelle qu’aucune réponse de votre part ne saurait avoir ce degré de vérité sur ce que vous êtes et sur les raisons pour lesquelles, président du parti de l’in-nocence, vous êtes en bonne logique, la nuisance à l’état pur. Je vous demande, en vous priant de faire exception pour moi à votre goût pour souiller tout ce que vous approchez, d’éviter de me citer dans les pages de votre “journal” à l’occasion de ce pénible incident, je vous en remercie à l’avance, Éric Marty ».

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