Corbeaux. Journal 2000

sans dateMardi 6 juin 2000, dix heures et demie du matin. Excellente journée de la guerre, hier. Je suis allé à “l’appartement”, rue Cambon, pour enregistrer l’émission du même nom, pour Canal Plus. Alain Finkielkraut en était l’invité principal, et j’étais moi son invité, puisqu’il avait eu la générosité de suggérer ma présence, ou même de l’imposer. Il est arrivé quelques minutes après moi et m’a montré Le Monde, qui venait de paraître, et où figuraient côte à côte un article de lui, contre la curée dont je fais l’objet, et un article d’Alexandre Albert-Galtier, extrêmement favorable à ma cause.

Sous ces heureux auspices, et dans un climat très cordial, l’enregistrement s’est passé aussi bien que possible. Il a duré plusieurs heures : à huit heures du soir nous étions encore sur les lieux. Trois quarts d’heure doivent en être gardés, qui seront diffusés samedi prochain. De ces trois quarts d’heure un seul, sans doute, sera consacré à “l’affaire”. Finkielkraut en parle beaucoup, et moi un peu — mieux vaut, d’ailleurs, car il est autrement à l’aise que je ne le suis.

Le reste du temps il n’est question que de lui, ainsi qu’il était prévu et qu’il est bien normal, puisque c’est lui l’invité originel. Et je fais dans le décor une figuration dont je ne suis pas sûr qu’elle semble très intelligente. C’est une situation un peu ridicule, mais je serais mal venu de me plaindre.

J’ai dîné chez Flatters avec deux des Saintes Femmes, Sophie et Marianne. Pour fêter les deux réjouissants articles chacun avait apporté force victuailles, et nous croulions sous les vins fins et les délicatesses de traiteur — de sorte que j’ai trop mangé, et mal dormi.

Claude Durand, ce matin, se félicite des événements récents mais il prévoit, et même il annonce, une réaction terrible de l’adversaire. Cette crainte était d’ailleurs, hier, le sentiment général. Alain Finkielkraut la partage. L’opinion dominante, de notre côté de la barrière, c’est que Le Monde, en donnant la parole à mes partisans, a fait une concession à la pression des lecteurs. Sur le forum du Monde, en effet, ils me sont majoritairement favorables. Mais chacun est persuadé que Plenel et les siens, après ce recul stratégique, préparent une contre-offensive d’ampleur sans précédent. On se demande qui pourrait bien mener la mener, et par son seul nom nous faire le plus mal : Derrida ?Bourdieu ? On en vient à souhaiter que ce ne soit que Sollers, que personne ne prend plus au sérieux.

Mon souhait le plus vif est que paraisse maintenant dans Libération, comme on nous le laisse espérer depuis des jours, le deuxième texte écrit par Flatters, après sa “réponse” à Poirot-Delpech, qui bien sûr n’a pas été publiée. Celui-ci, L'Inappartenance, moins intime que le premier, moins personnel d’inspiration, prend les choses de très haut — sur la question du sens dans la littérature en général, et dans la mienne en particulier. Le texte de Finkielkraut, celui d’Albert-Galtier, celui de Jean-Paul, mes deux interventions dans Le Monde et dans Le Figaro, et très accessoirement mes deux apparitions à la télévision, à Canal Plus et Paris-Première : il me semble que l’honneur serait sauf, de mon point de vue — et le débat, en tout cas, suffisamment complexifié. Dans les termes où il est mené, termes imposés par un adversaire entièrement maître du jeu, il n’y a pas lieu de le prolonger davantage. Je rentre chez moi.

voir l’entrée du mardi 6 juin 2000 dans Le Jour ni l’Heure

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