Corbeaux. Journal 2000

sans dateMardi 25 avril 2000, dans le train entre New York et Philadelphie. La pression commence à se faire sentir sur moi, non pas tant sur mon moral que sur mon état physique. Depuis dimanche matin et mon départ de Paris je ressens une vive douleur au talon gauche, ainsi qu’il m’est arrivé déjà une fois il y a un ou deux ans. Cette douleur ne m’a pas empêché (elle aurait dû) de faire quinze ou vingt kilomètres à pied dans la ville, avant-hier dimanche. Mais elle va croissant, elle me fait boiter et traîner la jambe. Et maintenant elle ne se relâche même pas quand je suis immobile.

J’ai mal dormi, en partie sous l’effet de la crise et de “l’affaire Camus”, en partie à cause du décalage horaire. Et ce matin je suis absolument épuisé, alors que je ne sais pas du tout ce qui m’attend à Pennsylvania University où je me rends, ni seulement à quelle heure doit se tenir là-bas ma supposée “conférence”.

Hier soir c’était Columbia University et sa Maison française — quinze ou vingt personnes dans une très petite pièce, si petite qu’elle était pleine, heureusement. Pierre Force m’a présenté très gentiment, j’ai parlé de Vaisseaux brûlés puis de “l’affaire”, évidemment, qui agite beaucoup les esprits. Tout s’est terminé par une salve nourrie d’applaudissements, et par un buffet très amical dans une salle voisine — de sorte qu’on peut dire que tout s’est passé aussi bien que possible.

Cependant les menaces se précisent. Un jeune professeur avait été en liaison le jour même avec Yale, et racontait qu’il était maintenant fortement question d’une suppression pure et simple du colloque à moi consacré. Pierre Force me disait d’autre part qu’à Columbia on était bien connu pour son calme, mais qu’au Département de français de N.Y.U. on était très soucieux de ne pas déplaire à Paris et de pas être à la traîne des divers mouvements et agitations du milieu intellectuel français : je devais m’attendre là-bas à une très forte opposition.

Lui-même dans son allocution n’a pas dit un mot du fond du débat, ni pris position si peu que ce soit. Il était neutre et poli. Il a tout de même remarqué que c’était la deuxième fois que je venais à Columbia en trois ans, que c’était un bon rythme, et qu’il espérait me recevoir de nouveau dans trois ans — sous-entendu : sauf grave incident d’ici là ?

J’ai appris d’autre part qu’il y avait eu des articles très durs contre moi dans L’Humanité et, plus étonnamment, qu’un groupe d’étudiants de Yale était très étroitement sensibles à ce que disait L’Humanité. Une dame de Fleurance que j’aime beaucoup, membre de Pli selon Pli et parmi les plus coopérants, et grande lectrice de L’Humanité, justement, m’avait écrit juste avant mon départ pour me dire qu’elle avait lu La Campagne de France et qu’elle ne comprenait absolument rien à la campagne dont j’étais l’objet. Quand elle avait entendu les premières allusions qui y étaient faites sur France Culture, elle n’en avait pas cru ses oreilles.

Nicholas Fox Weber estime que les extraits parus dans Le Figaro de samedi sont accablants pour moi, et bien à même de troubler jusqu’à mes amis les plus proches ; mais que replacés dans leur contexte ils perdent tout leur caractère scandaleux, de sorte que j’étais victime d’après lui d’une épouvantable injustice. Il m’a même comparé au capitaine Dreyfus ! Dieu merci il sera à Yale et sans doute puis-je compter sur lui pour soutenir ma cause.

La plupart des gens n’ont aucun jugement par eux-mêmes. Ils attendent de voir comment le vent va tourner, afin de se rallier à sa direction générale.

*

Je ne connais personne qui soit moins raciste que moi dans la vie quotidienne, avec les individus. Tous les êtres humains m’inspirent une sorte de timidité — non, ce n’est pas le mot, car il y entrerait de la peur ; de respect, plutôt, qui a quelque chose à voir avec la considération et la distance. Autant je suis peu enclin à la familiarité, autant je suis sensible à la présence des êtres en tant qu’êtres, dans leur qualité de vivants, soient-ils les plus effacés ou les plus humiliés dans une société donnée, ou ne s’agit-il que d’enfants. Ma grand-mère, comme on s’étonnait qu’elle voussoyât même les enfants, disait que c’étaient eux qui lui inspiraient le plus de timidité, nous y revoilà.

Or j’essaie de rapprocher ce sentiment d’une observation que j’ai faite au Yale Club, ces deux jours. Je m’étonne que dans l’ascenseur on ne se salue pas. Deux hommes en conversation, anciens élève l’un et l’autre d’une université prestigieuse, et qu’on pourrait croire attachés, d’après l’esprit général des lieux et l’atmosphère feutrée et presque compassée qui y règne, à des formes traditionnelles de courtoisie, peuvent parfaitement pénétrer dans un ascenseur et poursuivre leur échange sans paraître seulement remarquer qu’il se trouve dans la cabine d’autres personnes. Ce qui me semble-t-il est en train de se retirer du monde, c’est la reconnaissance, de l’autre en tant qu’autre et en tant qu’être humain, mais surtout que présent, qu’étant-présent. On ne se salue plus sur les chemins de campagne, dans les escaliers d’immeuble, dans les couloirs et les ascenseurs de ce qui pourtant se donne pour un club. Il y a une maladie du regard. On semble ne même pas se voir, s’apercevoir, reconnaître qu’on se voit et le signifier. Or c’est la reconnaissance qui me paraît pourtant ce qu’il y a de plus contraire au racisme — à toute forme de racisme.

Penser c’est penser ensemble (ma grande marotte ces temps-ci). Ici : le regard, la re-connaissance, l’ascenseur, le sentier de campagne, la présence, l’anti-racisme. Quelque chose à creuser entre ces marques. Mais je n’en ai pas le temps pour le moment, car nous arrivons à Philadelphie.

     

Philadelphie, Sheraton University Hotel, dix heures et quart, le soir. Quelle fatigue ! Il y a longtemps que je ne me suis pas senti aussi fatigué. Ce satané talon continue de me faire souffrir, le décalage horaire doit intervenir aussi. Mais il y a surtout que ma “conférence” de cette après-midi était fort éprouvante.

J’ai raconté à peu près sans encombre ce que j’avais à raconter sur Vaisseaux brûlés et sur “la forme heureuse”, puisque c’était le sujet choisi depuis longtemps. Mais ensuite le débat s’est engagé, et il n’a pas tardé à se diriger vers “l’affaire Camus”, comme il était à prévoir. Il y avait là un professeur nommé Prince, d’origine égyptienne et juive d’Alexandrie, m’a-t-on expliqué par la suite, qui trouvait fort mauvais qu’on osât parler de “Français de souche” et faire la moindre distinction entre les Français “de première ou deuxième génération” et les autres. Quel était mon âge, voulait-il savoir ? Cinquante-trois ans ? Eh bien j’étais français depuis cinquante-trois ans, et certainement pas depuis dix ou quinze générations comme je le prétendais. Il n’y avait pas de Français qui le soient depuis plus de générations que les autres. On ne pouvait pas être français depuis plus longtemps que le nombre d’années qu’on avait. Le reste était une absurdité — et une absurdité criminelle, cet homme ne se privait pas pour l’insinuer.

Il a juridiquement raison, et je suis tout à fait d’accord avec lui en droit. Le paradoxe est que toutes ces personnes qui dénient si véhémentement le rôle de l’origine dans la constitution des opinions et des personnalités ne témoignent rien d’autre, par leur véhémence, que l’importance de leurs propres origines dans la constitution de leur personnalité à eux, et de leurs opinions.

Paul me rapportait avant mon départ que Leslie Kaplan était indignée par les passages où selon elle j’établissais une distinction entre les “Français de première ou seconde génération” et les autres dans leurs capacités respectives à appréhender l’héritage culturel français. C’était insulter la pensée, disait-elle. Or nous sommes là au cœur de Du Sens. Car ce dont il s’agit est bien de savoir si la pensée et le sens sont des abstractions purement intellectuelles, ou si elles sont nourries et orientées — entre autres choses, bien sûr, très entre autres choses — par l’origine.

Pour moi je me soucie peu d’une pensée tout abstraite. D’une part je n’y crois guère, et surtout elle serait sans attrait à mes yeux. Je n’aime que les idées et les phrases qui apportent avec eux leur terre, leur air, leur lumière — ce qu’écrivant je pense moins à Barrès ou Péguy qu’à Bachelard.

Pour tâcher de bien comprendre les objections qui me sont faites, je dois renverser le problème. Prenons un pays que je connais bien, que j’ai beaucoup pratiqué, et que j’aime très profondément. Mettons que je m’établisse en Italie — après tout il n’est pas exclu que cette méchante affaire, si elle continue de s’aggraver, finisse par me contraindre à l’exil. Au bout de cinq ou six ans de séjour en Italie, je suppose que je pourrais me faire naturaliser, et devenir italien. Mais en quel sens serais-je alors italien ? Nous sommes ici au centre du débat.

Évidemment je connaîtrais mieux la culture italienne, l’histoire italienne, le territoire italien que quatre-vingt-quinze pour cent des Italiens. Je comprendrais mieux Borromini, par exemple, que l’immense majorité d’entre eux, qui connaissent à peine son nom, et presque pas du tout son œuvre. Sur Leopardi, de même, je saurais plus de choses que la plupart. Cependant je ne peux pas oublier ce vieux paysan, rencontré un jour près de Recanati, et qui m’a récité les premières vers de L’Infinito, que sans doute il avait appris à l’école, ou bien au sein de sa famille, trois quarts de siècle plus tôt.

Son accent, bien qu’éminemment rustique, était meilleur que le mien, évidemment, plus italien, en tout cas. Mais surtout : est-ce qu’il n’y a pas une connaissance par le temps ? Par le seul fait d’avoir été là ? D’avoir souffert, d’avoir aimé, d’avoir versé son sang, peut-être ? Ou bien poser seulement pareilles questions (dont je n’ai pas les réponses), est-ce que c’est déjà inadmissible, ainsi qu’il semblerait ?

Il me semble que je n’arriverais pas à me sentir très italien ; ni seulement à le souhaiter, peut-être — serait-ce pour la seule raison que je continuerais de me sentir très français, quoi qu’il arrive. Or ce ne serait pas quelque chose en moins, mais bel et bien quelque chose en plus. Je serais un Italien d’Italie, en grande partie de culture française.

Mes enfants s’ils naissaient là-bas (nous sommes dans la supposition pure) seraient certainement plus italiens que moi — et moins français. Sans doute se sentiraient-ils parfaitement italiens, italiens d’origine française. On ne peut pas effacer l’origine. Et d’ailleurs personne ne le souhaite. Ou bien si ?

J’imagine que les Mac-Mahon, les Dillon et autres O’Lanyer, mes cousins, se sentent aussi français qu’on peut l’être, depuis le temps. Et pourtant je suppose aussi qu’il reste au fond d’eux une tendresse particulière pour l’Irlande ; qu’ils ne peuvent pas penser à l’Irlande comme à un pays étranger.

Il y a la question du nom, qui comme toujours est centrale. Le nom Mac-Mahon est parfait, à cet égard : très inscrit dans l’histoire de France (un président de la République !), français jusqu’au bout des jambages, et pourtant obstinément étranger (d’où un grand charme. Je change Camus pour Mac-Mahon any day).

Farid Tali et moi, sur ces sujets-là, nous comprenons parfaitement, c’est étrange — étrange au regard de la mécompréhension quasi générale qui m’entoure aujourd’hui. Quand il me parle des difficultés de sa position, voire de son déchirement entre deux cultures, entre deux langues, entre deux histoires et deux façons de vivre, il me semble qu’il y très peu de perte du sens, entre nous ; et pas la moindre hostilité, en tout cas.

Il faudrait convoquer aussi le problème des peintres, des “écoles”, des styles ; des musiciens, du “son” ; des artistes en général. Parler d’une “école française”, est-ce tout à fait périmé aujourd’hui ? Il y a pourtant bien un “style” français, qu’on reconnaît chez le maître de la Pieta d’Avignon, chez Fouquet, chez Clouet, chez Poussin, chez Valentin, chez Bourdon, Manet, Cézanne, Matisse encore. Est-ce qu’il tient uniquement à des écoles, à un enseignement, à un milieu culturel, ou bien est-il dans une certaine mesure héréditaire, “génétique” ? Ou bien encore, voie moyenne, procède-t-il du paysage, de la lumière, du climat, du temps qu’il fait ?

Je me souviens que nous avions de grandes discussions à propos de Picasso, Jean Puyaubert et moi — mais c’était à front renversé, par rapport à l’absurde situation actuelle, et au rôle imbécile dans lequel on prétend m’enfermer. Je soutenais que Picasso était incompréhensible sans la France, sans Paris en particulier, sans le mouvement artistique français, et bien entendu sans Cézanne. Jean trouvait que ce qui était éclatant chez l’artiste, et qui transparaissait dans la moindre de ses œuvres, de bout en bout, c’était l’Espagne.

Nous avions raison tous les deux, bien entendu. Et l’on pourrait avoir le même genre de conversations un peu vaines (mais plaisantes) à propos du Gréco : inexplicable sans l’Espagne, inexplicable sans Venise, inexplicable sans la Crète — mais avant tout inexplicable (de toutes les phrases que j’aie jamais écrites, une de celles que j’assume le moins mal est celle-ci : « Comprendre une œuvre d’art, c’est mesurer exactement les raisons qui nous la rendent inintelligible à jamais. »)

Peut-on parler encore d’un son français, pour un orchestre — pont aux ânes de la critique musicale jusqu’aux années soixante-dix ? Et pour un chef d’orchestre, comme on l’a beaucoup fait ? Monteux, Munch, Boulez encore ? Et de nouveau : ce son, si son il y a (ou il y avait), tiendrait-il à quelque caractère de la « “race” », ou bien était-il acquis, enseigné, grâce à des traditions de conservatoire, par exemple ? À quelques secrets pieusement transmis, de maître en maître ?

Ce sont là des questions passionnantes, à mon avis. En tout cas elles m’intéressent moi. L’ennui c’est que l’esprit du temps rend presque impossible de se les poser, désormais. Et je suis ainsi fait que plus il prétend me les interdire, plus je les trouve fascinantes, évidemment. Plus il prétend m’en dicter les réponses, plus celles qu’il écarte d’emblée me paraissent revêtues d’attrait, ou de justesse — ce qui ne signifie pas que j’y souscris, au demeurant.

Mais il y a aussi la question de la douleur — ou simplement du chagrin, de l’humiliation éventuelle, de la contrariété, de la vexation. Paul me disait que Leslie Kaplan avait été profondément blessée par mes phrases. Or je n’ai pas du tout de plaisir à blesser.

Encore des distinctions ici — qui sont autant de contradictions, et de contradictions à la contradiction. À tort ou à raison j’ai tendance à me voir en Philinte dans la vie sociale (il est vrai que je n’ai pas beaucoup de vie sociale) et en Alceste aussitôt que j’écris. Personne, dans les “rapports humains”, comme on dit (ne parlons pas des rapports sexuels), n’a jamais eu à se plaindre de ma part, je crois, de quoi que ce soit qui ressemblât de près ou de loin à du “racisme”, à de la condescendance, à un mépris quelconque qui ne serait pas d’origine “personnelle”. Non seulement je suis un Philinte, mais un Philinte tout à fait sincère : aucune volonté de blesser, aucune pulsion à le faire (bien entendu j’ai mes hostilités ; mais elles ne tiennent jamais à l’origine, jamais à l’appartenance quand elle n’est pas délibérée).

Par écrit, en revanche, je tiens fort à ma liberté d’expression, même quand elle implique de déplaire. Mais là encore, contradiction. Car j’ai pu écrire, exagérément (on écrit toujours exagérément ; car le sens est toujours miné par sa contradiction ; c’est précisément ce que j’essaie d’expliquer), exagérément, donc, que toute littérature était littérature courtoise — par quoi je voulais dire que le sens littéraire n’était jamais un bloc (contrairement au stupide être soi-même de “l’idéologie du sympa”, générateur de toutes les violences), mais au contraire un pentimento perpétuel, un retour sur soi-même, une spirale, un doute, un jeu de strates indéfiniment creusées sur leur contraire, c’est-à-dire sur l’autre, sur l’objection de l’autre, sur l’autre comme objection naturelle. Comme la courtoisie le langage littéraire est un langage tiers, ni à vous ni à moi — en quoi il se distingue de la simple expression, qui n’est jamais bien loin de l’expression violente.

Il n’en reste pas moins qu’en ses méandres, au passage, le sens littéraire peut être très agressif. Il peut blesser. Je dirais même qu’il doit blesser. Écrire, c’est nécessairement écrire contre. Plus une société est consensuelle, plus le style est solitaire. Son domaine, c’est le reste du sens — ce que la vérité écrase de vérité ; ce que la vertu ne peut pas digérer de vertu ; ce qui dans la raison résiste à la raison.

Ils veulent des stylistes, mais qui pensent comme eux — sans s’aviser que le style, c’est toujours un écart de langage.

Il y a des stylistes géniaux, il y a des stylistes imbéciles, il y a des stylistes abjects, mais il n’y a pas de stylistes conformes.

De même que sévit un chantage au mérite s’exerce un chantage à la douleur (bien souvent c’est d’ailleurs le même ; et si ces chantages peuvent fonctionner c’est uniquement parce que la douleur et le mérite sont infiniment respectables). Pour assurer la paix sociale les intellectuels organiques (qui sont sur cette terre ce qu’il y a de plus éloigné des artistes) reçoivent tacitement mission d’assurer que le monde est bien fondamentalement tel qu’il doit être idéologiquement. Ce qui prouve qu’une idée est fausse, dans ce système, c’est qu’elle n’est pas admissible. Et ce qui la rend inadmissible, c’est qu’elle peut créer du désordre, ou de la douleur, ou du chagrin — de l’inégalité, par exemple.

Dans un pareil arrangement le style, par un renversement bathmologique éminemment jouissif, mais dangereux, se trouve hériter du réel, même quand il peut faire de la peine (or le réel est ce qui fait de la peine). Il refuse absolument d’appeler non-voyants les aveugles. Il ne tient pas plus que ça à ce que les cul-de-jatte fassent de la course à pied, ni les paralysés de l’alpinisme. Il s’obstine à remarquer bêtement que les Noirs, en général (mais seulement en général), ont de plus grosses queues que les Chinois ; que les nouveaux riches, souvent, et même les nouveaux riches de la culture, ont des manières de nouveaux riches ; que l’impératif n’est pas l’indicatif et qu’il ne suffit pas d’énoncer les choses pour qu’elles soient ; que changer de civilisation, ou seulement de culture, ou de nationalité c’est une décision grave et qu’il faut s’attendre, dans la nouvelle, à se sentir un peu étranger, quelque temps ; que le temps fait beaucoup à l’affaire ; et qu’à tout cela il y a des exceptions, énormes et minuscules ; et à ces exceptions des exceptions.

Et toujours il rappelle qu’il y a de la mort, ce qui n’est pas non plus agréable à entendre.

Bref, il se fait mal voir.

Toujours est-il que le débat fut fort éprouvant, cette après-midi, et que je n’y eu pas toujours le dessus, bien loin de là. Pouvais-je dire au professeur Prince quelle tendresse m’inspirait la tradition francophile et francophone d’Égypte, quelle affection, quel respect, et combien je suis humilié par le peu de cas qu’en fait la France, dont les ministres parlent en anglais, quand ils prennent la parole au Caire ? Il ne m’aurait pas entendu. Peut-être l’aurais-je offensé. Tout ce que je pouvais dire l’offensait. La situation est telle qu’on ne peut plus s’entendre, et que tout ce qui demeure, sur le tapis, c’est la douleur — et peut-être la haine.

Mais le ciel m’est témoin que je ne ressens pas de haine.

Jean-Marie Roulin, qui me reçoit ici, m’a ensuite emmené dîner avec deux de ses amis dans un très bon restaurant argentin du centre de la ville. L’un des amis a voulu encore en découdre, sur certains points. Je n’en pouvais plus alors, et j’en peux encore moins maintenant.

Il est de plus en plus fortement question d’annuler le colloque de Yale.

voir l’entrée du mardi 25 avril 2000 dans Le Jour ni l’Heure

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