A ce point de l'affaire Renaud Camus, ses lecteurs fidèles ne peuvent que s'étonner. Nous sommes bien obligés d'utiliser des lieux communs pour essayer de comprendre les raisons d'un tel déferlement de haine.

«Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage» : que vous a donc fait Renaud Camus ?
 

La tentative d'un journal relève de la plus grande sincérité: «C'est une épineuse entreprise, et plus qu'il ne semble, de suivre une allure si vagabonde que celle de nos esprits, de pénétrer les profondeurs opaques de ses replis internes, de choisir et arrêter tant de menus airs de ses agitations.» Montaigne, Essais, II, 6.

Au lecteur de choisir, de réfléchir après sa lecture. Si le propos me déplait, je cesserai de le lire mais je n'admets pas que l'on me dise:  «Jetez ce livre car il ne nous convient pas, son auteur ne suit pas la doxa en vigueur.» Et si la réponse était ici? Haro sur Renaud Camus parce qu'il n'entre pas dans "la pensée unique", qu'il se moque de nos conventions, de nos modes; traitons-le d'antisémite, c'est tellement simple d'isoler des phrases, et jetons-le en pâture à la vindicte publique.

Qu'y a-t-il donc derrière cette campagne? Une remise en question du genre littéraire du journal, au nom de la transparence, ne voudrait-on plus de sincérité ? Une querelle tellement parisienne qu'elle est incomprise par le vulgum pecus, peut-être ? et finalement peu importe.

Je crois que si j'étais peu attirée par les livres de Renaud Camus, je me ferais un devoir de les lire, au moins pour me prouver qu'il me reste un peu d'esprit critique et de liberté.

Avez-vous lu La Campagne de France? Et Etc.? Avez-vous pris la peine d'entendre la voix qui s'élève de ses écrits? Il est tellement facile d'avoir raison et de condamner sans appel, tellement facile, après tout, de pousser au lynchage sous couvert de vertu.
 

Véronique Riffard

Véronique Riffard est professeur à l'université de Clermont-Ferrand