Renaud Camus ressort en librairie

"La Campagne de France", qui avait été retiré de la vente à cause de plusieurs passages jugés antisémites, ressort dans une version expurgée.
 
 
 

Ce mercredi 5 juillet, reparaît "La Campagne de France", ce tome du "Journal" de l'écrivain Renaud Camus publié par Fayard et qui défraie la chronique littéraire depuis deux mois. Tiré à 3000 exemplaires, le livre reprend le chemin des librairies expurgé des passages jugés antisémites qui avaient fait scandale (en tout, il manque une dizaine de pages, sur les presque 500 du total, les passages supprimés étant signifiés par des blancs dans les pages), mais augmenté d'une volumineuse préface de Claude Durand, PDG de Fayard qui, à son tour, devrait faire parler d'elle.

Dans un texte de 35 pages, numérotées en chiffres romains et sous-titrées "étude socio-médiologique", Claude Durand se livre à un exercice de tir au pigeon sur la critique littéraire en particulier et la profession de journaliste en général. L'éditeur, qui prend soin de préciser qu'il "n'a jamais été obsédé par les complots", s'emploie néanmoins à dénoncer ce qu'il interprète comme un complot ourdi contre Renaud Camus et Fayard - et accessoirement, contre lui-même, Claude Durand. Las ! La démonstration intellectuelle qui aurait pu ne pas manquer de pertinence (on peut s'étonner, c'est vrai, du démarrage tardif du scandale alors que le livre avait été louangé par ses premiers lecteurs) relève en fait d'un exercice que, par euphémisme, on qualifiera de paranoïde. Quand, par exemple, Claude Durand, à chaque fois qu'il cite un critique ou un journaliste, ajoute entre parenthèses le journal qui l'emploie et l'éditeur qui le publie, histoire, sans doute, de laisser entendre qu'il s'agit là d'une guérilla plus commerciale (entre éditeurs, entre journaux) que purement intellectuelle. Inutile de préciser que le procédé tourne vite au ridicule. Ou quand, encore, Claude Durand se perd dans un déluge de notes en bas de pages qui en viennent parfois à occuper les quatre cinquièmes de la page en question.

C'est d'ailleurs souvent dans ces notes que pleuvent les attaques les plus violentes. Ainsi, page XXVII, le Nouvel Observateur en prend-il pour son grade, lui qui est accusé de « ramasser et resservir dans ses colonnes des ragots refroidis tombés à côté de la poubelle du restaurant où ils ont été colportés ». Claude Durand fait allusion à un écho paru dans la rubrique Téléphone rouge du journal. Il y était expliqué que l'affaire Camus se doublait de plus en plus d'une affaire Fayard, la publication puis le retrait de la "Campagne de France" ayant avivé, au sein de la filiale du groupe Hachette une querelle de succession qui tournait au règlement de comptes sur fond de guerre des chefs. Claude Durand traite ces informations de « supputations indécentes et stupides » (l'auteur de l'écho en question maintient ses informations, NDLR).

Mais, de manière récurrente dans sa préface, c'est d'abord un procès contre Le Monde que s'emploie à instruire Claude Durand - et plus particulièrement contre la personne de son directeur de la rédaction, Edwy Plenel, accusé, entre les lignes, d'être le véritable instigateur de tout ce complot. Quel changement dans le ton ! Longtemps, en effet, s'il fut un éditeur qui pouvait exciper d'excellentes relations avec le quotidien dont il est question, c'était bien Fayard. Claude Durand était d'ailleurs régulièrement convié, dans ses colonnes, à s'exprimer sur les sujets les plus divers touchant au monde des livres. Pourquoi, alors, ce soudain revirement ? En vérité, entre les deux partenaires privilégiés d'autrefois, le torchon brûle depuis que, en mai 1999, Fayard a publié "L'oeil du pouvoir", premier tome des souvenirs de Gilles Ménage. Dans son livre, Ménage, qui fut directeur de cabinet de François Mitterrand à l'Élysée revenait sur les fameuses écoutes - notamment celles qui avaient frappé Edwy Plenel -, les "justifiant", en donnant certains détails d'ordre privé qui auraient fortement déplu à l'intéressé. Le "scandale Camus" auquel Le Monde a prêté un large écho serait, en quelque sorte, la réponse du berger à la bergère. De quoi confirmer le sentiment que ce qui aurait dû être, et rester, un débat idéologique se réduit, désormais, et de plus en plus, à une misérable querelle de personnes. Il n'y a plus d'affaire Camus. Commence l'affaire Durand.

N.O.