Le Choléra. Journal 2021

créée le mardi 13 avril 2021, 19 h 55
modifiée le jeudi 15 avril 2021, 0 h 12
Plieux, mardi 13 avril 2021, six heures de l’après-midi.
Hier, j’avais envoyé publiquement un mot aimable à un artiste dont j’aime beaucoup les œuvres. J’ai vu ce matin qu’il me demandait de retirer ce message, car il sollicite une subvention pour la réalisation de l’une de ses productions, et il ne doute pas un seul instant qu’elle lui soit refusée si, par malheur, les autorités en pouvaient venir à penser que nous sommes amicalement liés (ce qui, en plus, n’est pas du tout le cas). Mieux encore, bien pis, il m’apprend que l’excellent roman de X. (que, lui, en revanche, je connais très bien, de même que son roman), ouvrage dont tous les éditeurs souhaitaient enrichir leur catalogue le mois dernier, et que, même, ils se disputaient à coups de téléphonages quotidiens à l’auteur, ne sera finalement pas publié, parce que le bruit a couru que X. était de mes amis.

 À titre personnel, je suis naturellement accablé par ces nouvelles, car c’est une horrible responsabilité que d’être la cause, même très involontaire, de si grave mésaventure survenue à quelqu’un qu’on aime, qu’on admire et que l’on tient en haute estime. C’est d’ailleurs loin d’être la première fois que le cas se présente. Il n’est que de songer à Jean-Paul Marcheschi (qui n’a, à ma connaissance, aucune espèce d’opinion politique), et même à certain prix Goncourt, que j’aurais fait manquer à une consœur qui m’avait soutenu, en d’autres temps.

Mais surtout il me semble que c’est épouvantable pour ce que cela dit de la situation culturelle, politique, idéologique, morale, policière, dans laquelle nous sommes plongés. Je ne vois guère que celle de l’Union soviétique des pires années qui lui soit comparable. Peut-on imaginer cela : que la mort sociale soit contagieuse, qu’elle puisse toucher la famille, les amis, les relations plus ou moins lointaines des criminels, des personnes qui ne sont en rien associées à leurs crimes ? Et dans la mesure où le criminel, en l’occurrence, c’est moi, mon crime, quel est-il ? Quel est l’épouvantable forfait qui me vaut non seulement d’être banni de partout, innommable, intouchable, pestiféré, mais même de risquer à tout moment de valoir le même sort à quiconque m’aurait un moment approché, aurait seulement prononcé mon nom ? Je n’ai tué personne, je n’ai violé personne, je n’ai témoigné aucune haine (malgré les assurances là-contre des tribunaux) ; je n’ai à aucun moment appelé à la moindre violence : bien au contraire j’en ai condamné mille fois, fermement, à titre préventif et a posteriori, les moindres manifestations. Tout juste ai-je écrit et pensé que si, par malheur, c’était là la seule alternative qui nous fût laissée, mieux valait la guerre que la soumission — d’autres dorment au Panthéon pour moins que ça. 

Comme je faisais état ce matin de cette crise et de mon étonnement sur les réseaux sociaux, un harceleur anonyme, ainsi qu’ils le sont presque tous, a déclaré qu’un tel sort m’était valu par ma “pédocriminalité”. Je l’ai traité comme je traite tous ceux de sa sorte, en lui donnant la plus grande publicité que je pouvais et en l’adjurant, plutôt que de se contenter de replacer pour la millième fois l’affreux montage du petit maître-chanteur Jean Robin, si cher à toute la lyre lesquéno-soralienne, de révéler au monde tout ce qu’il savait, ainsi que c’était son devoir ; d’apporter des témoignages, des preuves, des traces de ce qu’il avançait. Face à pareilles objurgations, les diffamateurs restent court, et pour cause.

 De toute façon, je ne pense pas que ce soit à ces accusations absurdes et à cette légende urbaine que je doive ce statut de maudit parmi les maudits ; et pas davantage aux non moins abracadabrantesques imputations d’indus appels à fonds publics que voulait me mettre sur le dos, comme à tous les chefs de ce qu’il désigne naturellement comme l’“extrême-droite”, un ineffable Plottu, dans Libération samedi dernier. Non. En ce statut inattendu, et qui eût stupéfié la France civilisée et libre, je vois plutôt la confirmation sinistrement éclatante de ce que j’appelle le négationnisme de masse, pour lequel l’individu à faire taire et à enterrer entre tous, aux yeux d’une société tout entière, celui autour duquel il faut établir le plus rigoureux no man’s land, le mort civil entre les morts civils, le mort qui frappe de mort quiconque l’aurait seulement touché ou regardé, c’est évidemment celui qui dit ou essaye de dire ce qui ne doit sous aucun prétexte être dit : j’ai nommé bien sûr, s’agissant de nous, le Grand Remplacement, le changement de peuple et de civilisation, la colonisation à marche forcée des indigènes européens, le génocide par substitution.

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