Fayard retire de la vente un livre de Renaud Camus accusé d'antisémitisme

 Par Alain Salles
 
 

LES ÉDITIONS Fayard ont décidé, jeudi 20 avril, de retirer de la vente et de rappeler tous les exemplaires diffusés du Journal de Renaud Camus pour l'année 1994, Campagne de France, après la polémique déclenchée par des passages mettant en cause « les collaborateurs juifs du "Panorama" de France Culture », qui ont suscité une vive émotion à Radio France. Son PDG, Jean-Marie Cavada, avait annoncé, mercredi, son intention d'engager des poursuites judiciaires contre le livre et son auteur. Selon Laure Adler, directrice de France Culture, ces propos «incitent à la haine raciale». La ministre de la culture et de la communication, Catherine Tasca, juge ces propos «profondément inquiétants». Elle souligne que Renaud Camus, « comme bien des propagateurs des thèses racistes, affirme qu'il n'est pas antisémite, mais, dans le même temps, il veut faire croire que le contenu des émissions pourrait être influencé par la composition des équipes».

Fayard a pris cette décision spectaculaire «après examen précis des passages incriminés, et devant l'ampleur de la polémique», selon son vice-PDG, Olivier Bétourné, qui précise qu'il s'agit d'un «terrain sur lequel il convient d'exercer la plus grande vigilance». Fayard est cependant prêt à republier le Journal sans ces extraits.

En 1994, Renaud Camus écrivait par exemple : «Il m'agace et m'attriste de voir et d'entendre cette expérience [française], cette culture et cette civilisation avoir pour principaux porte-parole et organes d'expression, dans de très nombreux cas, une majorité de juifs, Français de première ou de seconde génération bien souvent qui ne participent pas directement de cette expérience».

«Les passages incriminés, réplique Renaud Camus, reflètent mon humeur, les deux ou trois jours où je les ai écrits. Je ne les renie en aucune façon, mais ils ne peuvent pas être lus comme s'ils faisaient partie d'une grand traité ou d'un pamphlet sur le journalisme en France. Ils portent sur un sujet très étroit, une émission de France Culture que j'écoutais régulièrement à l'époque, quoiqu'il me soit arrivé, à deux ou trois reprises, de manifester de l'agacement parce que les journalistes, juifs en très grande proportion, avaient tendance, selon moi, à aborder des thèmes juifs (souvent très intéressants par eux-mêmes, là n'est pas la question), avec une fréquence exagérée. Ma réaction aurait été exactement la même s'agissant de n'importe quel autre groupe. Je me rends parfaitement compte que le qualificatif juif est plus délicat à manier et demande plus de précautions que ceux de basque, protestant ou même homosexuel. C'est précisément pour cette raison que, n'ayant pas cru devoir m'interdire ces remarques, je les ai fait suivre de commentaires qui ne sont jamais cités dans la polémique actuelle et qui soulignent l'absurdité qu'il y aurait à rapprocher ces propos d'un quelconque antisémitisme que démentent de la façon la plus claire de très nombreuses pages que j'ai pu écrire».

Paul Otchakovsky-Laurens, qui dirige les éditions POL, principal éditeur de Renaud Camus, a refusé de publier ce volume du journal, en raison des passages en question. Un précédent livre, PA, utilisait, en 1997, des extraits de ce Journal. Avec l'accord de l'auteur, POL avait alors retranché les passages contestés. Il estime aujourd'hui qu'il aurait dû « discuter avec Renaud pour lui faire changer quelques formulations malheureuses» du Journal. Mais, selon lui, Renaud Camus, qu'il publie depuis vingt-cinq ans, «n'est pas soupçonnable de racisme et d'antisémitisme».

Alain Salles