Cher Monsieur,

«Accepter d'élaborer son jugement, en quelque domaine que ce soit, en tenant compte uniquement de ce que l'on est soi-même, et de sa position dans le jeu, et non pas de ce que sont les faits, c'est un des plus grands péchés qui soient contre la justice, et contre l'esprit non moins. »

Sans doute, en écrivant ces lignes, ne vous doutiez-vous point qu'elles seraient illustrées d'un exemple tel que la campagne de presse dont vous avez été la cible. J'espère - et je crois , pour vous lire fidèlement depuis près de vingt ans - qu'elles témoignet d'une conviction assez forte - quoique désabusée - pour vous avoir permis de franchir avec stoïcisme et, peut-être, humour, cette terrible et honteuse période (la honte étant sur ceux qui se sont servi de quelques passages de votre livre à leurs fins personnelles).

Quant à moi, si cet "affaire" m'a mis en fureur, je me console en remarquant que parmi ceux qui s'en pris à vous il n'en est pas un que je ne méprisais déjà.

J'attendrai toujours avec impatience la parution de vos ouvrages et continuerai, comme je le fais régulièrement, à vous relire avec le plaisir que donne la compagnie d'un véritable écrivain. Il importe peu que je ne partage pas toutes vos analyses, ni d'ailleurs certains de vos goûts - sexuels, j'entends. C'est votre voix qui m'intéresse, me plaît, et sa singularité, voire sa hauteur. Mais l'exigence, l'ironie et la bathmologie (qu'est-ce, après tout, vos remarques sur la sur-représentation des juifs dans telle émission de radio, sinon un effet de la bathmologie, c'est-à-dire d'un degré de discours qui vous permet de dire précisément cela parce que tous les degrés antérieurs sont déjà vôtres et inclus d'avance dans vos réflexions? Il faut ne pas vous avoir lu - c'est le cas de vos contempteurs - pour vous traiter de "fasciste", de "pétainiste", d'"antisémite" ou de "raciste") - mais l'exigence, dirais-je, et l'ironie, et la bathmologie, bien plus, ne sont pas des vertus de l'esprit du temps.

Un lecteur, toujours vôtre,

Christian de Montella