Mon Cher Jan,

merci de cette nouvelle contribution au combat. Toutefois j'en comprends mal l'angle d'attaque. Vous avez l'air d'accuser le journaliste d'avoir trahi la pensée et les discours de Guy Scarpetta, qui d'après vous n'aurait jamais pu dire ce que le journaliste dit qu'il a dit. Or Scarpetta a bel et bien émis les propos qui lui sont (allusivement) attribués. Je n'ai pas sous les yeux le texte de sa communication, mais je sais qu'il a été très violent à mon égard. On dirait que vous voulez le protéger de la calomnie journalistique. Vous lui faites d'ailleurs bien de l'honneur en tenant pour acquis qu'il connaît bien mon travail. S'il le connaît, c'est pas rumeur, déformante et défavorable. Je doute que depuis vingt ans il m'ait beaucoup lu. Vous savez bien, vous l'avez même beaucoup écrit, que personne ne m'a lu - sinon quelques critiques aventureux de votre sorte et deux ou trois centaines de lecteurs anonymes. Alain Finkielkraut l'a justement souligné, l'intelligentsia en place m'ignore presque complètement (sauf pour m'insulter, depuis six mois).

Quitte à écrire au médiateur du Monde, il me semble que l'essentiel serait de s'inquiéter auprès de lui de ce problème déontologique : est-il bien de bonne morale journalistique, quand un journal et un journaliste rendent compte d'un livre, de ne signaler en aucune façon au lecteur que dans ce livre il est longuement question et de ce journal et de ce journaliste, et qu'entre eux et l'auteur du livre il y a une véritable contestation écrite? Bref, est-il bien convenable, de la part du journal et du journaliste, de paraître s'exprimer du point de vue de Sirius, alors qu'ils sont très directement en cause ?

Les récents articles du Nouvel Observateur suscitent exactement le même genre de questions (à ceci près que Garcin et Jacob ne sont pas directement en cause dans Corbeaux - mais Le Nouvel Observateur et Jean Daniel, oui : il est parfaitement déshonnête de ne pas le dire).

Enfin on ne saurait trop insister, par tous les moyens (mais justement on n'en a guère), sur l'extraordinaire malhonnêteté intellectuelle et morale du livre d'Antoine Spire, dont toutes les citations sont fausses ou gravement tronquées, mais dont une au moins, la plus longue (p. 183), est une forgerie pure et simple, le texte en italique et entre guillemets qui m'est attribué n'ayant d'autre auteur que... M. Antoine Spire (nos styles, j'espère, sont assez faciles à reconnaître...)

Vous avez peut-être vu que j'avais ouvert sur mon site une nouvelle section consacrée à des textes critiques non liés à "l'affaire". Si vous-même disposez de certains textes déjà sur ordinateur, même anciens et même édits, je serais très heureux de les présenter là.

Croyez à mes sentiments les plus amicaux,

Renaud.